Anonyme

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Cantique coignard
Les Fendeurs
(1881)

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CANTIQUE COIGNARD

 Déterré en la Forêt Ducale d'Elbeuf
dans la vente Saint-Nicolas,
au Pied du Hêtre.


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1881


LES FENDEURS
AIR : Mon père était pot.
 
Mes chers amis, braves fendeurs,
Que la hache rassemble,
Est-il de plaisirs plus flatteurs
Que de bien fendre ensemble ?
Aimons et buvons,
Chantons et fendons,
C'est notre loi suprême ;
Dans ces sombres lieux,
A qui fend le mieux,
Donnons le diadème.
 
Selon le bois, un bon fendeur,
Ménage son adresse.
Les uns veulent de la raideur.
D'autres de la souplesse.
Toujours, à droit fil,
Posez votre outil,
Si vous voulez bien fendre ;
Le coin bien trempé,
Bien mis, bien frappé,
Le bois devra se rendre.
 
Si vous fendez un jeune ormeau.
Ménagez l'encoignure ;
Sagement, avec le ciseau,
Disposez l'ouverture.
Petit à petit ;
On ouvre un réduit
A l'instrument docile :
Si l'on brusque trop,
Souvent le galop
Blesse l'ormeau fragile.
 
Le chêne résiste souvent ;
Tant mieux pour la victoire.
Les fendeurs, comme les amants,
Sont amis de la gloire.
Que l'outil, d'abord,
Caresse le bord
De l'écorce revêche ;
Le coin s'affermit,
Le bois s'attendrit
Et le fendeur fait brèche.
 
Parfois, il se trouve, au chantier,
Quelque vieille culasse,
C'est le plus ingrat du métier
Et le plus fort s'y lasse.
Jamais un fendeur
N'usa sa vigueur
Sur ce bois coriace ;
Il met, dans son coeur,
Un feu destructeur
Qui tonne et le crevasse.
 
Mais toujours fendre est un travail
Qui, chez nous, prévient l'âge.
Faut épargner le gouvernail
Pour faire un long voyage.
Fendre à tous propos,
Sans prendre repos,
Croyez-moi, n'est point sage ;
L'outil le plus fin
S'émousse à la fin,
Et plie à l'abordage.
 
Tiré du Rituel
de la Franc-Maçonnerie Forestière.
 
Refendu sur la Chouque de Marbre
Du Boqueron Levasseur
Aux soins et frais communs
de Fraxinus Virensis Pharmacopolus
et de Grandinus Elboviensis Fendillardinus.
 


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